Pourquoi apprenons-nous mieux en pratiquant ?
Temps de lecture : 7 min
Auteur : Guillaume
Il est impossible d’apprendre à faire du vélo ou de parler une nouvelle langue en ne faisant qu’écouter des conseils ou regarder son interlocuteur faire. Même si l’on vous explique parfaitement comment vous y prendre, vous allez devoir, un jour ou l’autre, faire le grand saut et expérimenter vous-même pour pouvoir progresser.
De la même manière, les soft-skills, ces qualités sociales et relationnelles si chères à notre époque, demandent de se tourner vers une approche pédagogique expérientielle. Car même si les compétences douces requièrent un minimum de théorie, elles s’apprennent surtout par l’action. L’apprentissage actif a la particularité de permettre aux collaborateurs de parfaire une compétence ou de changer de comportement en s’exerçant dans un environnement bienveillant et en bénéficiant de conseils en direct. À force de tester, on finit toujours par s’améliorer. C’est en forgeant que l’on devient forgeron, n’est-ce pas ?
Alors, quels sont les bienfaits de l’apprentissage actif ? Pourquoi est-il indispensable pour progresser ?
« La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est qu’information. »
Albert Einstein
L’apprentissage actif : de l’école à l’entreprise
Learning by doing, autrement dit « apprendre en pratiquant » vient à l’origine d’un concept économique, défini dans les années 60 par l’économiste américain Keneth Arrow. Dans un rapport intitulé The economic implications of learning by doing, il explique que l’expérience acquise par les travailleurs, grâce à la répétition régulière d’une même action, fait gagner en productivité. Les salariés ont alors davantage la possibilité de se perfectionner et d’innover. Le concept a ensuite été transposé à l’éducation : on parle alors de pédagogie active.
Celle-ci vise davantage à faire participer les élèves qu’à leur faire réciter leur cours. L’enseignement est focalisé sur celui qui apprend, et non pas simplement sur le contenu. Il a d’ailleurs été prouvé, grâce à une étude de Scott Freeman, chercheur en sciences de l’éducation à l’université de Washington, que le débat, la discussion et le travail de groupe seraient plus efficaces qu’une simple lecture. En effet, les étudiants qui se contentent d’utiliser la lecture traditionnelle verraient le risque d’obtenir un D ou un F augmenter de 55 %. Pourquoi ? Car l’expérience permet d’éprouver et de mieux comprendre. « La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est qu’information. » disait Albert Einstein.
Cette approche est autant valable à l’école qu’en entreprise, où l’on passe également de l’ère de la transmission du savoir à celle du coaching. Des études montrent à quel point apprendre en nous amusant booste également la curiosité et la concentration des adultes. Particulièrement efficace pour les team building, les séminaires, ateliers de coaching et formations sont autant de formats qui encouragent les participants à mieux se connaître et à tisser des liens pour améliorer leurs skills et leur performance, ce qui se traduit ensuite par une meilleure collaboration au travail. Il va sans rappeler qu’en équipe, l’apprentissage devient un processus constructif et vivant.
Résultat : l’exercice a plus d’impact et la mémorisation est, elle, plus rapide.
L’impact de l’expérience vécue sur la mémoire
Le principe de la pédagogie active est donc de centrer l’apprentissage sur l’apprenant, qui est immédiatement responsabilisé. En effet, c’est seulement lorsque nous nous mettons en action que nous rencontrons des obstacles, que nous nous confrontons à nos fragilités, que nous nous posons des questions et que nous cherchons des réponses. Lorsqu’on teste nos compétences en direct, on comprend plus facilement l’urgence de changer, d’évoluer, de progresser.
C’est cet auto-questionnement, induit par l’action, qui est très intéressant, puisqu’il active une fonction de « récupération en mémoire » des informations du cerveau qui est, selon Steve Masson, professeur en neuroéducation et auteur d’Activer ses neurones « l’exercice considéré comme le plus puissant dans l’apprentissage”. « Ne pas relire mais plutôt essayer de se souvenir », tel est son credo. Sa pensée illustre d’ailleurs parfaitement la théorie d’Edgar Dale. Selon ce chercheur et professeur en éducation du XXe siècle, après deux semaines on retient :
– 10 % de ce qu’on a lu
– 20 % de ce qu’on a entendu
– 30 % de ce qu’on a vu
– 50 % de ce qu’on a vu et entendu, ou démontré
– 70 % de ce que nous disons et écrivons (en ayant participé à une discussion, ou donner une conférence par exemple…)
– 90 % de ce que nous expérimentons
L’apprentissage par la pratique a l’avantage de convenir au plus grand nombre puisque les participants se connectent au contenu de la manière qu’ils jugent la plus pertinente. Lors d’une formation Cléone par exemple, chacun a en effet la possibilité de choisir comment il va traiter les informations, car l’expérience, qui n’est autre que l’acte d’éprouver et de ressentir, favorise l’utilisation de tous les sens. A vous de choisir quel sens sera davantage mobilisé, en fonction de vos habitudes et de votre personnalité. Votre mémoire, n’a-t-elle pas un jour été qualifiée de visuelle, auditive ou kinesthésique ?
Si vous avez une mémoire visuelle, c’est plutôt une scène, une situation, un visage, qui vont vous marquer. Auditive, c’est un son, une phrase, un mot, le récit d’une histoire, ou même une anecdote partagée par un autre participant qui feront tilt. Enfin, kinesthésique : vous avez besoin de mimer, de marcher, d’éprouver pour comprendre. Les exercices de théâtre que nous intégrons dans nos formations Cléone ont justement cet objectif de provoquer un déclic sur le long terme et d’appliquer ce que l’on vient de comprendre en formation dès le lendemain au bureau. Les participants doivent sentir qu’un changement de comportement est réellement faisable puisqu’ils ont pu le tester en amont, en groupe, dans une situation proche de leur vie professionnelle.
Par ailleurs, les sens, quels qu’ils soient, sont des vecteurs efficaces pour la mémorisation et la création de souvenirs puisqu’ils ont ce pouvoir de créer une émotion. “Emotions get our attention” affirme le neuroscientifique américain John Medina qui définit l’émotion comme un des « hameçons » pour réactiver notre attention, sachant que le niveau optimal de cette dernière chute au bout de 10 minutes.
Or, attention. Qui dit apprentissage par la pratique, dit test et donc possibilités d’erreurs, voire d’échecs. Pour que l’expérience transforme, il faut :
– un feed-back immédiat
– un feed-back non punitif : il s’agit de mettre les participants dans un climat de confiance et d’indiquer la bonne voie. Ils ne doivent en aucun cas se sentir critiqué et coincé pour agir et corriger leur travail.
Enfin, il faut pratiquer régulièrement, en distribuant des périodes d’entraînement, pour laisser les déclics se faire et avoir un impact dans la durée. « Le changement des conduites humaines implique la collaboration libre du sujet aux changements, ce qui n’exclut pas ses résistances ; c’est par sa conscience, puis sa compréhension des situations et des phénomènes que le sujet accédera à une possible transformation du réel », conclut J.Beillerot, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Paris X-Nanterre.