Comment faire des soft skills un critère d’évaluation ?

10 Oct 2023

Temps de lecture : 5 min

Auteur : Bianca

Selon une étude réalisée par LinkedIn, 92% des responsables du développement des talents jugent les soft skills aussi importantes que les hard skills pour le recrutement et le futur des RH. Pourtant, selon une étude d’OpinionWay réalisée en 2020, seulement 8% des salariés interrogés déclarent avoir été évalués sur leur soft skills. Trop subjective pour 63% des mêmes salariés, l’évaluation des soft skills est vue comme une pression supplémentaire (62%) et comme un obstacle à leur évolution de carrière (45%). Selon la même étude, le terme même de « soft skill » n’est connu que de 18 % des individus appartenant à une catégorie socioprofessionnelle basse, contre 43 % des CSP+.

Une chose est sûre : les soft skills est un concept complexe. Mal compris. Sans doute mal expliqué.

Alors comment évaluer quelque chose que l’on ne connaît pas ?

L’expression “soft skills” est si médiatisée qu’il nous semble pertinent de revenir sur le concept-même pour avancer. Le Robert ou le Larousse ne nous aident pas, ils n’en font pas mention. Si nous devions le traduire littéralement nous pourrions dire que c’est une compétence douce, en opposition à une compétence dure, les hard skills. Si nous procédons par élimination, voici ce qu’englobent les hard skills : les compétences techniques, les choses apprises à faire (les savoir-faire) et les connaissances (les savoir).

Quid des choses innées, du talent, des prédispositions (pour un emploi) ? Que faire des intérêts, des valeurs et de la personnalité ? Quelles sont leurs parts dans la performance d’un collaborateur ?

Doit-on parler de savoir-être ?

Lorsque l’on parle de compétences comportementales lors de nos interventions, la pilule a parfois du mal à passer.

“Si je suis ici, cela signifie-t-il que je me comporte mal ?”, entend-on.

Imaginez. Si votre manager remet en question votre maîtrise des outils bureautiques (hard skills), cela vous remue certainement peu. Mais “entendre” que vous ne savez pas vous tenir est violent (et c’est un euphémisme).

Récemment, nous avons lu une traduction qui nous plaît davantage. Les soft skills seraient des compétences socio-émotionnelles.

Si c’est un terme principalement utilisé par les sciences sociales, c’est la définition qui correspond le plus à ce que nous transmettons : des clés de compréhension de soi et des autres, des pistes pour mieux communiquer et développer ses émotions, et cela, pour s’épanouir au sein d’un groupe.

Mais alors les soft skills ne seraient pas uniquement professionnelles ? Vous imaginez-vous commenter les soft skills de votre meilleure amie ? Accordons-nous donc sur le fait que le terme “soft skills” englobe les qualités et aptitudes comportementales attendues dans le monde de l’entreprise.

A l’origine…

Le concept de soft skills est attribué à l’armée américaine à partir des années 1960. Les « soft skills » désignaient les compétences liées au travail impliquant « peu ou pas d’interaction avec des machines ». Et elles furent nombreuses, à commencer par celles nécessaires pour motiver et gérer des troupes (donc une compétence de leadership) !

Un terme que nous entendons de plus en plus : Compétences “transposables”.

Les soft skills sont-elles transposables ? Oui. Et non.

Oui car les qualités d’orateur sont potentiellement transposables MAIS une compétence n’est pas acquise pour toujours.

Une compétence pourra être reconnue et appréciée dans un secteur d’activité, dans une certaine culture d’entreprise, et dévalorisée dans une autre. Vous le savez, un collaborateur peut se montrer particulièrement talentueux dans une équipe. Il suffit qu’on le change de département pour faire mentir toutes ses précédentes évaluations.

Certains placent les soft skills du côté des traits de la personnalité, dans une version rigide et stable, qui ne permettrait pas de penser à des possibilités de développement. D’autres, dont nous faisons partie, pensent, au contraire, que les possibilités de « développement » de ces compétences s’ancrent du côté de la pratique.

A ceux qui seraient convaincus que l’empathie est à ranger du côté de la personnalité, nous leur disons que l’empathie est une compétence, une soft skill car oui, elle s’apprend. Certains, bien sûr, ont des prédispositions, et d’autres en sont maladivement dépourvus. Mais écouter activement, poser des questions ouvertes, se mettre à la place de l’autre, s’apprend. Heureusement.

Une soft skill serait entre les 2 : un savoir-faire et une prédisposition.

Le saviez-vous ?

Dans une étude menée auprès de recruteurs de jeunes diplômés, il apparaît que certaines compétences transversales jouent un rôle non négligeable sur le score qu’ils attribuent aux CV fictifs qui leur sont soumis.

Lorsque la capacité à travailler en équipe est mise en avant dans le CV, les recruteurs accordent en moyenne 11 points supplémentaires (le score moyen étant de 67 points sur 100), quels que soient le parcours et les caractéristiques du diplômé, celles du recruteur ou le secteur d’activité considéré.

Les hard skills se mesurent à l’aide d’indicateurs directement liés à la performance. Si les évaluations de hard skills sont parfois contestées, comment réconcilier les attentes des RH avec les craintes de subjectivité des collaborateurs lorsqu’il s’agit de soft skills ?

Comment réconcilier les attentes des RH avec les craintes de subjectivité des collaborateurs lorsqu’il s’agit de soft skills ?

Pour lever le risque de désengagement et d’injustice, nous sommes convaincus qu’un modèle transparent doit exister pour évaluer les soft skills. Voici nos suggestions :

1. Identifiez les soft skills clés

Outil incontournable de l’évaluation (et de l’ingénierie de formation), le référentiel de compétences définit les compétences attendues d’un collaborateur dans un environnement donné et en fixe les conditions et critères d’évaluation. Comme pour les savoir et savoir-faire, il s’agit d’identifier en amont ce qui est recherché pour chacun des rôles d’une équipe.

Cherche-t-on forcément un comptable à l’aise en public ? Ou recherche-t-on ses qualités chez un ingénieur.e qui devra défendre son projet régulièrement devant une large audience ? Est-il attendu qu’un vendeur sur le terrain ait l’esprit d’équipe ? Qu’une juriste soit créative ? Qu’un manager soit empathique ? Cela, oui, c’est un must 😉

2. Élaborez des critères d’évaluation clairs pour chaque compétence comportementale

Par exemple, pour évaluer la compétence en communication, vous pourriez évaluer la capacité à s’exprimer clairement et de manière assertive, à écouter activement et à fournir des feedbacks constructifs. Vous pourrez mesurer l ‘esprit d’équipe en lui posant des questions empruntées au recrutement, telles que : « racontez-moi une fois où vous avez dû aider un collègue en difficulté ? »

3. Utilisez des méthodes d’évaluation variées

Plusieurs méthodes existent, notamment :

○ Les évaluations par les managers
Côtoyer et observer ses collaborateurs en action sont, sans aucun doute, les moyens les plus sûrs pour les évaluer, à condition d’être considérés dans de multiples contextes… et préférablement, par plusieurs personnes.

Les auto-évaluations : Très riches, elles permettent de donner, ou rendre, aux collaborateurs un pouvoir d’agir sur leur propre croissance et leur employabilité. Un moyen à considérer néanmoins avec prudence puisque notre subjectivité ne nous permet pas de poser un regard exhaustif sur nos comportements… Oser admettre ses faiblesses est un travail sur soi, parfois douloureux. Selon le degré de notre estime, nous admettons même des lacunes que nous n’avons pas.

○ Les évaluations par les pairs (puisque la performance passe par des interactions !) :
Plus longue à mettre en place, une évaluation à 360° est pourtant pertinente. Nous sommes en effet particulièrement sensibles à la reconnaissance de nos collègues.

○ Moins courantes, les évaluations des subordonnés (Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire cet article),

○ Et enfin, les tests de personnalité, les tests psychométriques, les exercices pratiques, les études de cas, les entretiens comportementaux, les simulations, etc.

Nous vous encourageons à utiliser une combinaison de ces méthodes pour obtenir une évaluation plus complète.

4. Créez un cadre d’évaluation

ou un système d’évaluation formel pour garantir un process cohérent et équitable pour tous les employés.

5. Formez les évaluateurs 

Ils doivent comprendre les intentions et les critères d’évaluation pour les utiliser.

6. Encouragez les feedbacks 

N’attendez pas les évaluations de fin d’année que les salariés redoutent : donner du feedback en continu permet de s’améliorer en temps réel.

7. Établissez des objectifs de développement

et bâtissez avec vos collaborateurs un parcours personnalisé y incluant, par exemple, la formation, le mentorat, ou d’autres formes d’apprentissage.

8. Surveillez la progression

pour mesurer les améliorations et encore une fois, faîtes-le régulièrement !

9. Reconnaissez les progrès 

Peut-être qu’un système de récompenses et de reconnaissance pourrait être mis en place pour les employés qui montrent une amélioration significative de leurs compétences comportementales.

10. Et enfin, intégrez les soft skills dans la culture de l’entreprise

Valorisées et encouragées, elles permettront de recruter les bonnes personnes, de construire des équipes plus performantes au travail et favoriser leur développement professionnel.

Parce qu’elles sont dynamiques, mouvantes et contextuelles, les soft skills peuvent – et doivent ! – se développer et se cultiver. Ce n’est plus simplement l’apanage des RH. Toute l’entreprise doit s’emparer du sujet, quelque soit son activité, le statut de ses collaborateurs et leurs qualifications. C’est indispensable pour soi et pour les autres !

On me souffle à l’oreille… Une petite nouvelle dans la famille des “skills” ! Celles-ci sont… folles. Et on les appelle les mad skills. Vous connaissez ?