Pourquoi le théâtre est utile pour former à la gestion des conflits ?

6 Nov 2024

Temps de lecture : 4 min

Auteur : Guillaume

Ne pas déposer les déchets dans les bennes prévues à cet effet, rendre un document en retard sans s’en excuser, souligner l’incompétence d’un professionnel…

Les motifs de provocation d’un conflit sont infinis. Ils sont si nombreux que le temps passé à les gérer est estimé à 3h par semaine en moyenne par salarié. Soit 20 jours par an. Rendez-vous compte : 1 mois à temps plein ! D’après l’étude l’Observatoire* lancé par OpinionWay, en collaboration avec All Leaders Initiative et topics, 2/3 des salariés sont confrontés à des conflits professionnels.

Selon Stéphane Lefebvre-Mazurel, directeur du pôle B2B, SmartCity & Inside d’OpinionWay, les dirigeants et responsables en ont souvent une vision macro (grèves ou encore tensions syndicales) mais oublient la vision micro (tensions quotidiennes) qui est pourtant multiple, massive et très impactante pour les entreprises.

Un conflit n’est pas nécessairement négatif : il peut être l’occasion d’exprimer des divergences, de générer des solutions créatives et de renforcer les relations, à condition qu’il soit géré de manière constructive. En effet, s’il est mal géré, il peut mener à de la frustration, une baisse de la coopération, voire à une rupture des relations.

Le conflit, c’est quoi ? Le comprendre pour le désamorcer

La littérature propose plusieurs définitions au concept de “conflit”. La définition des psychologues du travail, Dolan et Lamoureux (1990), est celle que nous retiendrons ici puisqu’elle englobe nombreuses caractéristiques soulignées par leurs pairs :

En entreprise, le conflit se rapporte généralement à une incompatibilité totale, partielle, réelle, ou perçue, entre les rôles, les buts, les objectifs, les intentions et les intérêts d’un ou de plusieurs individus, groupes ou services.

Les principales incompatibilités survenant entre individus sont classifiés en 3 groupes :

  1. Un conflit d’objectifs : situation dans laquelle les buts ou les issues préférés par les parties semblent être incompatibles
  2. Un conflit cognitif : situation dans laquelle les idées ou les pensées respectives des parties sont perçues comme contradictoires
  3. Un conflit affectif : une situation dans laquelle les sentiments ou émotions respectifs des parties sont opposés (ex. antipathie, compétitions,…)

Il faut prendre en considération que certaines situations peuvent aussi être entremêlées comme des confrontations d’idées et d’émotions, de buts et d’idées; ainsi nous pourrons avoir des conflits cognitifs et affectifs, d’objectifs et cognitifs, d’objectifs et affectifs, etc.
Les conflits peuvent survenir dans divers contextes, qu’ils soient intra ou interpersonnels, intra ou intergroupes, ou organisationnels (dans le cadre d’une équipe ou d’une entreprise).

Préserver la relation et atteindre ses objectifs en adoptant une attitude assertive

Les situations de tension naissent lorsque nous avons le sentiment qu’il nous est difficile d’atteindre ces deux objectifs : préserver la relation et atteindre son objectif. Au lieu de réagir de manière assertive, nous adoptons des comportements agressifs, manipulatoires ou de retrait, face à une situation perçue comme stressante, menaçante ou dangereuse. Ces comportements sont appelés comportements refuge.

L’assertivité se définit en général par une attitude de communication qui consiste à exprimer ses opinions et ses droits tout en respectant ceux des autres.

Selon la vision que nous avons de nous-mêmes et celles que nous avons des autres, nous privilégions l’un ou l’autre de ces comportements.

Se soumettre ou fuir pour préserver la relation

Même si cela nous dessert, la soumission est une attitude d’évitement actif ou passif devant les gens et les événements. Plutôt que faire preuve d’assertivité, la personne s’excuse, se justifie, trouve des prétextes. Elle fait le choix de préserver la relation au détriment de son objectif opérationnel.
Elle se met en position de victime et cherche surtout à ne pas assumer.

Voici quelques exemples d’attitudes de soumission :

  • Suivre les instructions sans les remettre en question,
  • Être en position systématique d’observation, sans jamais prendre position,
  • La tendance à intellectualiser,
  • L’inertie face à l’action ou un problème à résoudre, etc.

Agresser pour atteindre son objectif

La personne agressive profite en général de son pouvoir sur autrui pour imposer son point de vue et ses méthodes de travail. Plutôt que de faire preuve d’assertivité, on préfère l’attaque pour se sentir confortable : « je suis fort, les autres sont faibles, point final ! ». La personne agressive fait le choix de préserver la relation au détriment de son objectif opérationnel.

La personne a tendance à crier, à montrer des signes de colère, voire à injurier, ou à porter des accusations ou des menaces. D’autres formes de violence dans la communication existent, telles que la moquerie, la dévalorisation, la critique méchante ou ironique, le mépris. La personne agressive fait savoir qu’elle entretient une haute estime d’elle-même.

Voici quelques exemples d’attitudes agressives :

  • Contredire systématiquement le point de vue des autres, sans avoir vraiment écouté ce qu’ils voulaient dire.
  • Monopoliser la parole et parler en général plus fort que les autres.
  • Chercher à prendre sa revanche systématiquement

Manipuler pour faire croire que l’on souhaite atteindre son objectif tout en préservant la relation

Le manipulateur essaie de ménager les 2 objectifs en agissant par des biais, en omettant de donner certaines informations, … Il use de flatterie et de compliments, exagère ou dévalorise. Le manipulateur aime séduire, amener son interlocuteur là où il le veut et met tout en œuvre pour faire croire aux autres qu’il détient du pouvoir.

Voici quelques exemples d’attitudes manipulatoires :

  • L’affirmation de soi en permanence : ainsi la manipulation peut être facilement confondue avec l’affirmation de soi (qui n’est pas l’assertivité !).
  • La tendance à agir par personne interposée pour obtenir ce qu’on veut.
  • Les opérations séduction, par exemple en réunion, pour se faire bien voir…

Nous parlons bien ici de comportements, pas de personnalité.
La bonne façon de se comporter n’est donc pas à chercher dans ces 3 types de comportements mais dans les comportements assertifs.

L’importance des émotions dans l’engrenage qui mène aux conflits

Souffrance, colère, humiliation, fierté, désir de vengeance, peur, dégoût moral, sentiment d’exclusion : les émotions et autres phénomènes affectifs sont omniprésents dans l’engrenage qui mène aux conflits. Plutôt que d’en tenir compte, nous cherchons souvent à évacuer ces aspects émotionnels. Nous nous privons alors de moyens d’agir qui constituent pourtant très souvent la clé de la résolution des conflits.

En effet, la connaissance de nos mécanismes émotionnels peut contribuer à résoudre un conflit. Nos émotions sont nos boussoles et le signal qu’un besoin de justice, de confiance, ou de respect par exemple…n’a pas été satisfait. Le déni de ces signaux conduit inévitablement à des situations d’incompréhension et de mésentente et entraîne des comportements inappropriés qui perturbent, voire empêchent, nos capacités cognitives.

Pour canaliser les émotions qui entrent en jeu dans ce type de situation et favoriser un climat de dialogue, une attitude bienveillante doit être adoptée. En considérant les échanges comme un partenariat, nous nous engageons à résoudre ensemble un problème commun.

« Dans tout conflit, aucune solution n’est possible si chacun des adversaires est incapable de prendre sérieusement en considération le point de vue de l’autre. »

Bruno Bettelheim (1903-1990)

Les compétences à développer pour faire face aux conflits

  • Communication assertive : s’exprimer de manière claire et respectueuse, en exprimant ses opinions sans agresser les autres, tout en étant à l’écoute des points de vue différents.

Les + d’une formation par le théâtre :
Sur scène, les comédiens comme les apprenants découvrent l’impact de leur communication verbale, para-verbale et non-verbale. Le corps et la voix ont un pouvoir émotionnel considérable. La scène permet cette compréhension. Le public, les partenaires ou le groupe jouent également un rôle puissant : ils agissent comme effet miroir des comportements des apprenants, ce qui les aidera à mesurer l’impact sur l’autre.

  • Gestion des émotions et écoute active : Apprendre à reconnaître, comprendre et maîtriser ses propres émotions et celles des autres, afin de ne pas réagir de manière impulsive ou excessive. Porter une attention réelle à ce que l’autre personne dit, en posant des questions et en reformulant ses propos pour s’assurer d’une bonne compréhension. Cela montre de l’empathie et aide à désamorcer les tensions.

Les + d’une formation par le théâtre :
En portant son attention sur ses partenaires de jeu, le comédien développe une excellente écoute active, qui lui sert également pour se connecter à lui-même et à son auditoire. En étant pleinement à l’écoute, ils peuvent être dans le moment présent et ainsi laisser l’énergie et les émotions circuler : le spectacle en sera d’autant plus réussie !

  • Adaptation, négociation et résolution de problèmes : Identifier les causes du conflit et chercher des solutions créatives et acceptables pour toutes les parties. Cela nécessite de savoir analyser une situation de manière objective et proposer des compromis.
    Négociation : Trouver un terrain d’entente où chaque partie se sent écoutée et satisfaite en partie, en cherchant des solutions mutuellement bénéfiques.

Les + d’une formation par le théâtre :
En facilitant le développement de la réactivité et la gestion de l’imprévu, l’improvisation constitue un outil performant pour s’entraîner à résoudre des conflits. En effet, comment rester concentré lorsqu’un téléphone sonne, que des personnes parlent ou que votre partenaire s’est trompé dans sa réplique? Au théâtre, chaque soir, l’imprévu est au RDV et les comédiens s’y adaptent. C’est justement ce qui fait la beauté du spectacle vivant ! L’improvisation est certainement le meilleur outil pour travailler l’adaptabilité et la résolution de conflits.

 

  • Empathie : Se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre ses sentiments, ses besoins et ses perspectives, ce qui aide à réduire les malentendus et à apaiser les tensions.

Les + d’une formation par le théâtre :
En jouant un rôle, les comédiens sont amenés à explorer des expériences, des émotions et des motivations différentes des leurs. Spectateur ou comédien, nous ne sommes jamais insensibles aux personnages. Au mieux, nous les adorons ; au pire, nous tentons de les comprendre en faisant preuve d’empathie. C’est sur cette connexion émotionnelle que nous construisons l’empathie.

 

  • Maîtrise de soi & gestion du stress : Rester calme et concentré, même sous pression, afin de ne pas envenimer le conflit. Cela implique de développer la patience et la capacité à temporiser les réactions immédiates.

Les + d’une formation par le théâtre :
Gérer son trac avant de monter sur scène, booster sa concentration, reposer son corps et sa voix sur-sollicités, se redynamiser, le comédien maîtrise plusieurs techniques de respiration qu’il utilise au gré de ses besoins. Il apprend à écouter les signaux de son corps pour fixer des limites. Des qualités bien utiles pour faire face à un client mécontent et agressif.

Expérimenter, c’est-à-dire “jouer” plutôt que “penser” son personnage, permet aux comédiens, comme aux collaborateurs d’identifier leurs comportements, de les modifier en temps réel et de tester leurs limites. C’est ce déclic espéré qui initiera l’acquisition de nouvelles compétences.

Les jeux de rôle rendent possible l’application de ce que l’on vient de comprendre en formation dès le lendemain dans son environnement de travail. Les participants doivent sentir qu’un changement de comportement est réellement faisable puisqu’ils ont pu le tester en amont, en groupe, dans une situation proche de leur vie professionnelle ou parfois, personnelle.

Conseils pour sortir des comportements refuge et adopter un comportement assertif

Il est important de connaître ses comportements refuges privilégiés pour en sortir et aller vers l’assertivité.

Si l’attitude préférée est la soumission, le théâtre constitue un espace d’entraînement bienveillant et efficace pour oser, même un premier petit pas, sortir de votre zone de confort. Vous pourrez constater les effets positifs de ces premiers essais, tant pour vous que pour les autres.

Si votre attitude préférée est l’agressivité, la scène sera l’occasion de prendre du recul grâce aux mises en situation mais également grâce au groupe qui agira en effet miroir. Analysez les causes passées qui vous font croire que cette attitude est la seule valable (les origines de l’agressivité questionnent la peur d’autrui et une très faible perméabilité à la frustration et à l’échec). Quand l’agressivité monte, il sera salvateur d’apprendre à se taire, de se connecter à ses besoins et de respirer.

Si votre attitude préférée est la manipulation, repérez une situation particulière (réunion, entretien, tension avec un collègue…) et demandez-vous quel était votre objectif personnel et quel aurait dû être votre objectif professionnel. Essayez de métacommuniquer sur vos comportements manipulatoires pour regagner la confiance de votre entourage.

En conclusion, le théâtre offre des outils puissants pour aborder les conflits sous un nouvel angle. Grâce à des techniques telles que l’improvisation ou les jeux de rôle,, les participants peuvent expérimenter des situations de tension en toute sécurité, comprendre l’impact de leur communication, et tester des stratégies assertives. Cette approche ludique et immersive permet non seulement de développer des compétences relationnelles essentielles, mais aussi de transformer les conflits en opportunités de dialogue, de collaboration et de croissance, aussi bien sur scène que dans le milieu professionnel.

¹Etude réalisée par OpinionWay entre le 2 et 20 septembre 2021, en ligne auprès d’un échantillon national représentatif de 974 salariés français, public et privé.

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